Sculpter,
c’est mettre au monde. Et chaque femme pourra témoigner de
ce qu’aucune mise au monde ne se ressemble. Tout y est à
chaque fois, et c’est le propre des actes de vie,
inextricablement divers, différent et tour à tour
mêlé : joies, douleurs, détresses, sentiments
de plénitudes et nouvelles solitudes, doutes anciens et
récentes incertitudes, indéfectibles liens et cordons de
dérélictions…
Sculpter,
c’est s’émerveiller de cela. Mais c’est aussi
savoir qu’en amont du vivre ici on peut, encore et toujours,
éclore de rien - ou de si peu- alors qu’en aval on
essaiera d’offrir au monde ce qui est digne de l’augmenter,
qui l’interprète, le
commente et le
rend, par là
même, vivant et sensé.
Gynécée, 2005
(Série Sexage, Pièce n°3, détail)
Hauteur 80 cm.
Raviver,
d’œuvre en œuvre, cet étonnant rapport
à la création c’est aussi cela sculpter :
pro-créer. Un peu comme une générosité
d’éclosion, un autre enfantement, qui se confronte, ici et
maintenant, au miracle d’être au monde et d’y risquer
humblement un peu de soi. Or, c’est l’interrogation des
liens qui nous attachent, historiquement, au réel que nous
habitons qui nous révèle la nature de nos liens. Nous
découvrons, alors, que rien n’est par nature et que bien
des liens sont des chaînes. Certaines sont récentes,
d’autres tellement anciennes, et au principe même de notre
culture, qu’on ne les reconnaît plus comme des
chaînes. Mais, parce que l’artiste authentique est un
libérateur, il nous dévoile les mensonges, les
dérives, les coupures et les brisures de nos servitudes plus ou
moins volontaires, plus ou moins innocentes et aveugles.
Etre
au monde ne suffit pas. Il faut encore y prêter du sens en
l’habitant d’une certaine façon. En le changeant
quand on le peut, c’est-à-dire en
l’interprétant autrement pour qu’il soit, à
nouveau, transformable par les autres.
Micou,
je regarde tes œuvres avec un étonnement sans cesse
renouvelé parce que c’est un riche bouquet de sens qui
s’offre à nous. Un bouquet pour l’œil et
l’esprit. Et si les plus belles fleurs ne manquent pas
d’épines, il y a, dans ce bouquet d’œuvres,
des parfums de sens qui tutoient la joie d’exister, avec une
force rare, dépourvue de ressentiment, mais sans la moindre
concession aux faiseurs d’ombres.
C’est
la vie que tu invites à nos yeux sans évitement. Et si
nous ressentons la révolte contre tout ce qui l’amoindrit,
tu convoques, en chaque œuvre, en plus de
la dignité et du
respect, une véritable grâce : celle d’un
espoir débarrassé des
puissances
tutélaires qui
gardaient jalousement l’antique boîte de Pandore.
Exilée N°13, 2005
(Groupe Exilées, détail).
Hauteur 80 cm.
Gérard Fronty
Juin 2005.